La fièvre électorale au Togo : entre marches de propagande et marches de protestation partie 1

Article : La fièvre électorale au Togo : entre marches de propagande et marches de protestation partie 1
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16 avril 2015

La fièvre électorale au Togo : entre marches de propagande et marches de protestation partie 1

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Plus que dix jours avant que certains Togolais braves et courageux cherchant à espérer contre toute espérance s’aligneront en file indienne pour désigner leur futur président. Dans l’immédiat, le spectacle est désolant : plusieurs camps s’affrontent. Entre coups de pierres et gaz lacrymogènes lancés de part et d’autre, on constate que l’habitude préélectorale au Togo est une seconde nature. Dans cette première partie de notre exposé, nous analyserons la vacuité de sens que revêt une campagne électorale lorsqu’elle est saquée par des grèves contigües. Ce rapprochement adjacent entre deux contraires (grève / élection) est le manifeste d’une blessure plus profonde de la vie sociale et économique du Togo. Une analyse du bilan du président sortant servira de plateforme pour la réflexion.

Quel bilan après 5 ans continue de règne ?

Il suffit de « googler » Togo et l’on se rend compte que les 5 candidats à la course présidentielle n’arborent pas les mêmes tactiques de propagande électorale. Le président sortant Faure Gnassingbé a mis au point un site web permettant aux chercheurs de mieux analyser le bilan de son mandat. Plusieurs secteurs sont mis à point : la réduction de la pauvreté, la moralisation de la vie publique, la réconciliation nationale, la paix civile et la sécurité, la cohésion sociale, la modernisation des infrastructures, le capital humain, etc.

Il semble au premier abord que le bilan que le site dresse prend pour base les objectifs Millénaires pour le Développement (OMD). Ces objectifs sont entre autres réduire l’extrême pauvreté, assurer à tous l’éducation primaire, réduire la mortalité infantile, combattre les maladies. La similitude qui ressort de ces objectifs et du bilan que pose Faure Gnassingbé apparait aux premières lignes : la généralité, fluctuation incertaine, la vacillation sans aucune base posée. Par exemple, au niveau de l’amélioration des conditions et du cadre de vie, on nous fait était dans le milieu urbain de «  l’augmentation du nombre des abonnés, de la production et de la distribution d’eau dans la ville de Lomé) sans faire mention du nombre d’abonnés qui se sont joints à la communauté urbaine en manque d’eau. Interroger le vécu pratique des citoyens de Lomé et vous saurez que beaucoup de ménages dans les zones comme Baguida, Bè, et même Agoè souffrent de coupures d’eau. De plus on nous fait état des très beaux chiffres sans nous donner de règle d’évaluation. En d’autres termes on nous fait état de « 1800 infrastructures socio communautaires et économiques mis en place (marchés et infrastructures de marchés, bâtiments scolaires, USP, forages, piste rurales), 127 plateformes multifonctionnelles installées[1] » sans nous dire combien de couches et catégories vulnérables ont été recensées au Togo.

Quant au développement des NTIC (les Nouvelles Technologies de l’information et de la communication), on fait état d’une augmentation des abonnés au réseau mobile à raison de 91% ( 4 millions et plus d’abonnés). Est-ce à dire que sur les 7 millions de togolais plus de la moitié n’étaient pas abonnés au réseau mobile entre 2010 et 2014 ? Une chose est sûre, il n’est pas expliqué d’où provient le pourcentage des 91% mentionnés. Le second constat de ce domaine de la communication est que durant des mois de l’année 2013, un seul réseau fonctionnait au Togo, entrainant non seulement des perturbations fréquentes mais aussi une fragilisation du secteur de la communication. Le domaine de la téléphonie au Togo a été toujours un problème sans cesse remis sur la table, sans solution concrète trouvée. Il semble que le marché des télécommunications semble plus que fermé à l’arrivée d’une concurrence. Et sans concurrence, comment les populations à faible pouvoir d’achat peuvent t- ils s’offrir le monopole d’être connecté sur le monde ? Le paradoxe, c’est que c’est pendant la période des élections que la communication téléphonique devient de plus en plus compliquée, un réseau de plus en plus lourd à exploiter aisément. La communication au Togo devient un luxe que peu de gens cherchent à s’offrir d’autant plus que le débit de connexion laisse à désirer, impactant à la fois sur l’éducation, le réseau banquier, la sécurité, les élections..

In fine, on ne peut dresser un bilan de cinq ans de mandat sans nous signaler le bilan financier de ce mandat. D’importants fonds ont été alloués pour les infrastructures routières, l’économie, l’éducation. Ce ne sont pas les fonds propres de la caisse togolaise, ce sont les multiples contrats qui ont été signés avec l’Union Européenne, les aides et investissements extérieurs, au total 1.100 millions de dollars US entre l’année 2007 et 2011[2].

L’harmonie des contraires : des grèves aux élections

Depuis deux mois, ou plutôt depuis quelques années, les rues togolaises sont souvent battues par les citoyens réclamant soit le départ du Président (Mouvement Collectif Sauvons le Togo) ou soit la révision du salaire Minimum Inter-Garanti. Deux mois avant les élections, la rue s’est encore emplie de citoyens surtout les fonctionnaires des secteurs clés de l’éducation et des hôpitaux réclamant une amélioration de leurs conditions de vie. Les syndicats de l’éducation ont depuis fort longtemps soumis aux autorités une liste de revendications à savoir la revalorisation des salaires de tous les agents, dans le respect des grades de chacun, la mise en place des mesures d’accompagnement pour rehausser leur faible pouvoir d’achat. Suite à des marches de protestations, des bras de fer ayant conduit à des blessés dans certaines villes du pays, le gouvernement a décrété une fermeture des écoles primaires et secondaires sur toute l’étendue du territoire jusqu’au 04 Mai 2015. Les négociations avec le gouvernement sont toujours en cours et ces grèves ont entrainé une paralysie du système sanitaire étant donné que les médecins ou infirmiers ont décidé de ne point s’occuper des malades jusqu’à un changement de la situation.

Pour nous, de tels évènements ne sont point une coïncidence, ils ne révèlent que la parfaite harmonie des contraires qui entourent les élections en Afrique et plus particulièrement au Togo. Il va de soi qu’élections et manifestations, campagnes et grèves soient diamétralement opposées et ne facilitent en aucun cas un bilan positif du mandat présidentiel écoulé. Ces différents grèves montre combien de fois le social peine à prendre son élan depuis plus d’une dizaine d’années. L’éducation et la santé, secteurs régaliens de l’Etat souffrent d’inamovibilité. Le tort de cette inactivité ne peut être rejeté sur une seule personne, il incombe à tous ceux qui sont en charge de ces secteurs. Le développement du Togo ne peut donc occulter la nécessité d’une dynamisation des secteurs et d’une évaluation rigoureuse, critique et efficace. Le temps n’est point au changement d’un homme, le temps est au changement de nos visions, de la manière de faire et de juger. On ne peut juger sans exiger la connaissance du vrai, du bilan positif et du bilan négatif.

L’essentiel pour nous est aussi de ressortir les failles au niveau des populations elles-mêmes qui se laissent aveugler et entrainer par le miroitement d’un bilan positif mais aussi se laissent dorloter et exploiter par une opposition sans repères ni projets concrets pour le futur. Le prochain article nous aidera à mieux comprendre que l’opposition togolaise peine aussi à marcher avec ses pieds d’argile, ses pensées diffuses et son cœur confus.

[1] https://www.tousfaure.com/htdocs/temps-faure/

[2] Cf Rapport final provisoire révisé, évaluation de la coopération de l’Union européenne avec la République Togolaise 2007- 2013.

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