L’Afrique de l’Ouest, l’Eldorado des narco-trafiquants

Article : L’Afrique de l’Ouest, l’Eldorado des narco-trafiquants
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25 octobre 2013

L’Afrique de l’Ouest, l’Eldorado des narco-trafiquants

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Durant les premières années de ce second millénaire, un phénomène assez subtil devient plus récurrent sur la côte atlantique de manière générale et dans le golfe de Guinée en particulier. La sous-région est assiégée par les cartels de drogue de l’Amérique latine et de l’Asie. C’est la face cachée de la menace sécuritaire en Afrique de l’Ouest, l’effet domino du jihadisme au Mali ou des bases dormantes en Côte d’Ivoire, au Burkina, en Guinée. Des 452 saisies de cocaïne enregistrées dans 11 aéroports européens de 4 pays, à savoir, l’Allemagne, la Belgique, la Suisse et la France entre juin 2006 et septembre 2007, au total 26 % provenaient de l’Afrique. Le comble de cette manigance antisécuritaire pour les Etats africains, c’est la collaboration voire l’implication directe des militaires ou forces de sécurité dans ces trafics de drogue. Notre analyse se portera sur les derniers évènements de cette année au Sénégal et en Guinée-Bissau concernant l’ampleur du trafic des drogues. Il faut noter que la presse n’en parle qu’à compte-gouttes à cause du cachet secret qui scelle ce trafic. Quel regard peut-on porter sur ce phénomène qui met plus en péril notre système sécuritaire déjà livré aux mains des jihadistes ?

La Guinée-Bissau est l’un des grands pays relais et de trafic de drogue dans la sous-région. La Guinée-Bissau est classée dans la catégorie des narco-Etats par l’Office contre la drogue et le crime des Nations unies. C’est une plaque tournante en Afrique de l’Ouest pour toutes sortes de drogues : la cocaïne provenant d’Amérique latine, l’héroïne d’Afghanistan et du Moyen-Orient, les drogues synthétiques des laboratoires nigérians. Le 2 avril dernier, deux narcotrafiquants débarquent à l’aéroport de Bissau . Ils ont été accueillis par le contre-amiral en retraite José Américo Bubo Na Tchuto. Lors de cette négociation  pour l’envoi de cocaïne sud-américaine vers la Guinée-Bissau, les trois hommes sont arrêtés à bord d’un yacht battant pavillon panaméen dans le port de Cacheu à 120 km au nord de la Guinée-Bisau. Les deux narcotrafiquants étaient plutôt des espions de la Drug Enforcement Administration (DEA) qui cherchaient à démanteler un réseau qui aurait pu, d’une part, approvisionner les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) en armes -dont des missiles sol-air portables -, de l’autre, permettre aux FARC de faire transiter de la cocaïne vers la Guinée-Bissau où elle aurait été stockée avant qu’une partie ne reparte vers les Etats-Unis. Le contre-amiral fut longtemps l’un des importants personnages du régime bissau-guinéen. La cocaïne lui a permis de se remplir les poches et de financer le coup d’Etat raté en août 2008 dirigé contre le président Joäo Bernado Viera. Il va sans dire que le trafic de drogue en Afrique s’accommode d’un crime organisé d’autant plus qu’en 2009, les barons de la drogue ont voulu se débarrasser du président Vieira qui est devenu gênant dans leurs affaires et pour faire revenir leur fidèle serviteur Na Tchuto. Aussi depuis le coup d’Etat de 2012, il y a une recrudescence des activités du cartel au moyen d’avions privés et de bateaux au large des côtes guinéennes. On ne s’étonne pas que l’économie de ce pays soit soutenue par le trafic de drogue.

Quant au Sénégal, les récents évènements montrent l’implication des hauts cadres de la police de Dakar dans les trafics de drogue. Un commissaire de police Cheikhna Sadibou Keita, ex-directeur de l’Office central pour la répression des trafics illicites de stupéfiants (OCRTIS) a été entendu par la justice sénégalaise à propos du trafic de drogue qui mine sa police. Il est accusé par un trafiquant nigérian Raymond, de lui avoir remis de la drogue pour la commercialisation. En fin 2007, c’est au moins 2, 4 tonnes qui ont été découvertes à M’bour sur la côte au sud de Dakar. Le Sénégal est aussi le pays d’origine du plus grand volume de cocaïne saisie sur des liaisons aériennes commerciales entre l’Afrique occidentale et l’Europe de janvier 2006 à mai 2008;  il est aussi l’un des pays où le trafic international aérien est le plus intense de la région. Avec 434 kg saisis lors de 105 opérations, il précède même le Nigeria. Le record des passeurs de drogue est remporté par  le Nigeria (29 %), du Cap-Vert, (22 %), et de la Guinée-Bissau (15 %) et enfin 2 % Sénégal.

Les forces de sécurité et de défense des Etats africains sont gangrenées par le fléau de la corruption, du trafic de drogue et des crimes organisés qui sapent l’indépendance de nos pays. Aussi si la sécurité de nos Etats ouest-africains est mise à mal par ceux qui doivent plutôt la maintenir, quel devenir pour nos Etats en péril ? En conséquence, les Etats ouest africains sont de plus en plus près à faire appel à la mère poule France pour assurer la sécurité de nos Etats. Cette aliénation sécuritaire montre notre démission et notre collaboration à une défense minée de l’intérieur.

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Commentaires

DEBELLAHI
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On se croyait simplement dépendants des anciennes forces coloniales. Maintenant, on se rend compte que nous sommes, aussi, "dépendants" de la cocaïne. Que Dieu nous protège.

Yao Kékéli Jean
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Mon cher Debellahi, non seulement nous sommes dépendants de la cocaïne, mais notre sécurité repose dans les mains des trafiquants de drogue; comment imaginez un relèvement de l'Afrique dans ces conditions là? Je pense que même Dieu se plaint de notre basesse.

Marc
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Cher Jean,
C'est un plaisir de te retrouver sur Mondoblog. Avec une première très pertinente.
La problématique du narcotrafic en Afrique de l'ouest devient de plus en plus inquiétant, surtout face à l'inertie des états qui hélas sont la plupart du temps complices de ce fléau. Le ton tout au autant que le style de l'article me plaisent beaucoup. Cordialement

Yao Kékéli Jean
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Merci mon frère pour ton apport et tes encouragements

komi fiagan
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mon frère bienvenu à mondoblog. joli article et du courage