L’Afrique au sommet de Paris : un sommet de trop ?

Article : L’Afrique au sommet de Paris : un sommet de trop ?
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8 décembre 2013

L’Afrique au sommet de Paris : un sommet de trop ?

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Qualifiées dans les débuts par le terme péjoratif de Françafrique, les relations internationales entre la France et l’Afrique sont loin d’achever leurs soubresauts. Du 6 au 7 décembre, certains chefs d’Etat africains rendus intègre aux yeux d’une « soi-disant communauté internationale » se réunissent pour discuter- je dirais- entendre ce que leur partenaire légal ou légitime a préparé comme speech sur les thèmes de paix et sécurité en Afrique, Partenariat économique et développement, changement climatique. C’est une belle initiative, mais elle n’ est pas la première. D’un côté, nous sommes actuellement au 26e sommet , sommet réuni par la « mère patrie », de l’autre une Afrique avec comme devise « obligation de moyens, mais pas de résultats ». « Gendarme de l’Afrique » ou « Mercenaire de l’Afrique » ? La réalité montre des interventions musclées en Côte d’Ivoire, au Mali, en Centrafrique et en Libye ces dernières années. On dirait que la politique de défense de la France a intégré le pré carré africain. Il serait pour nous opportun de faire une relecture critique des sommets déjà tenus dans ces mêmes cadres, les enjeux qui sous-tendent ce sommet, et enfin les défis que doivent relever les Africains pour un monde plus sain et durable.

La France au secours de l’Afrique

Conviés au 26e sommet à Paris, les Etats africains peinent à assurer leur propre sécurité. L’année 2013 a été marquée par un retour en force du terrorisme nigérian, une résurgence et montée des violences au Mali, au Congo, en Centrafrique. Il faut noter que depuis 1998, la France appuie l’Afrique dans ses efforts de consolidation de la paix. En effet, le premier sommet Afrique- France fut ouvert à Louvre cette même année suite à la montée des hostilités dans les deux Congo et la France eut comme initiative d’accompagner les Etats africains à travers la mise en place d’un programme Recamp (Renforcement des capacités des forces de maintien de la paix). Elle a participé à la création et la formation des écoles nationales à vocation régionale de sécurité[1] (ENVR). Le dernier sommet de Nice en 2010 a permis à la France de former 12 500 soldats africains afin que « l’Afrique s’approprie peu à peu sa défense. » Au-delà de l’appui pédagogique, elle offre à l’Afrique un appui logistique et humain. En 2013, on peut dénombrer 4 000 hommes initialement au Mali, 1 200 hommes à déployer en Centrafrique sans compter les milliers d’hommes repartis dans les bases militaires disséminées au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Gabon, en Centrafrique. L’Afrique a donc toute l’assistance dont elle a besoin pour résoudre ces conflits. Mais la réalité en est tout autre : de sommet en sommet, de conflit en conflit, la France fait preuve de sa nécessité de protéger ses nombreux intérêts en Afrique, des intérêts économiques, géopolitiques et géostratégiques. On comprend pourquoi elle est l’un des défenseurs attitrés et le relai des besoins et préoccupations de l’Afrique dans les grands lieux de décision économique et politique comme le Conseil de sécurité de l’ONU, le FMI (Fonds monétaire international) , le Conseil de l’Union européenne, le G8 ou le G10.

Le signe sous lequel ce 26e sommet est placé doit éveiller notre attention sur la présence unique de la France sur le dossier Afrique. Elle semble être abandonnée par ses partenaires européens ou plutôt elle semble affirmer son droit sur ce dossier. L’essentiel est que trois axes sont maintenant très liés et ressortis dans le sommet du 6 au 7 décembre : la paix, la sécurité et l’économie et l’environnement. Les enjeux sont de plus en plus déclarés. Il s’agit de promouvoir une paix durable en Afrique, de préserver la nature et les ressources parce qu’elle est le continent de prédilection d’un avenir économique réussi. Cette destinée de l’Afrique, cette noblesse future et les potentialités existantes à préserver pour sauver toute l’humanité semble être le point saillant d’une ruée de la France en Afrique malgré les critiques. Le sommet de Bamako en décembre 2005 se fit l’écho de ce renouveau futur du continent et montra comment « la vitalité, la créativité et les aspirations de la jeunesse africaine » constituent les socles sur lesquels la démocratie, la paix peuvent être construites. Face au « bien » que l’Europe et la France semblent voir dans le destin futur de l’Afrique, quels défis importants l’Afrique doit-elle relever pour résoudre ces conflits et amorcer un développement ?

Pour une Afrique plus pacifique et émergente

Il serait faux de soutenir que l’Afrique n’a point de capacités pour faire face aux crises qu’elle rencontre. De la formation des armées républicaines en passant par l’aide des forces panafricaines de maintien de la paix (Misma, Misca), les réformes du secteur de sécurité dans les pays aux appuis logistiques, humains des puissances européennes, le trafic des armes, de la drogue, le terrorisme et la piraterie maritime, les rebellions armées continuent de secouer le continent. Bien que des mécanismes de résolution des conflits ont été mis en place par les Nations unies pour faire face aux crises violentes en Afrique, il est temps pour les Africains qu’ils soient leaders ou non de construire la société à travers des mécanismes de prévention de conflit. Les interventions militaires ou la réforme du secteur de sécurité sont nécessaires certes, mais elles ne résolvent que la partie visible de l’iceberg. La capacité d’anticipation et de prévention des conflits doit miser sur le renforcement des capacités des communautés locales à faire face aux menaces de chômage, de famine. La paix en Afrique n’est plus possible par le haut, elle doit commencer par le bas, par la mobilisation des forces vives de la nation : la naissance d’une pléthorique d’ONG en Afrique ne doit pas être l’occasion de cultiver l’assistanat, mais d’innover, de créer des nouveaux secteurs de l’emploi par exemple dans le rétablissement du droit dans les familles, la propreté du quartier, de la ville. Il serait intéressant de voir que le peuple se soucie de son propre avenir sans compter sur une élite politique décevante au moyen de la création des pôles sociaux susceptibles de réformer les services publics, l’éducation, la santé. Attendre toujours de l’Etat, accepter que la sécurité et la paix soient seulement aux mains d’une petite armée c’est faire preuve de dissidence. La population civile doit reprendre en main son propre développement, elle doit comprendre que la faillite de l’Etat ne doit en aucun cas entraîner sa passivité; mais plutôt son secours. C’est à travers la création de ses opportunités, à la possibilité de travailler ensemble pour endiguer les lacunes de la gouvernance politique que le peuple africain peut assurer son propre développement. La tâche devant nous est donc ardue et ni la France, ni les autres partenaires économiques ne le feront à notre place dans un contexte de libéralisme économique.



[1] Il en existe 16 dans 10 pays africains : Cameroun 3, Mali 2, Sénégal 2, Benin 2, Gabon 2, Guinée équatoriale 1, Togo 1, Burkina Faso 1, Congo 1, Niger 1

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