Boko Haram : d’un terrorisme mystique à un terrorisme atypique

Article : Boko Haram : d’un terrorisme mystique à un terrorisme atypique
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31 octobre 2013

Boko Haram : d’un terrorisme mystique à un terrorisme atypique

carte Nigeria par Jean via Wikipedia
carte Nigeria par Jean via Wikipedia

 

Depuis que le vaudou nigérian et le terrorisme se sont donné les alliances en 2003 soit dix ans de mariage dans le Nord-Ouest nigérian, les heurts se succèdent aux meurtres, les corps sans vie s’étendent des universités jusqu’aux églises, des commissariats jusqu’aux marchés. Le chaos fait la loi, la charia fait la foi. Le bras de fer qui se forge entre le gouvernement et ce sous-franchisé d’AQMI au Nigéria dépasse les limites de la raison pour concilier mysticisme et terrorisme. Quels sont les raisons politiques d’une exacerbation du djihadisme nigérian ? Quels sont les types d’actions ou de stratégie mène ce groupe terroriste pour affirmer son originalité dans la région Ouest africaine ?

Peuplé d’une dominance musulmane au Nord et partagé entre plus de 250 groupes ethniques (les Yoruba, les Ibos,  les Haoussa, les Foulani), le Nigéria est en proie à un fort taux de chômage, une pauvreté croissance et une élite politique corrompue et des disparités régionales très prononcées. Sur les 36 Etats que composent le Nigéria, 12 sont situés dans la région Nord mais ressentent les conséquences de la fracture socio-économique. Les ressources pétrolières se localisent au Sud et depuis qu’en 2000, le régime en place à Lagos renferme une coloration chrétienne à sa tête, Goodluck Jonathan, le Nord se radicalise dans l’application de la charia.

En 2012, Boko Haram ou le Livre interdit respecte un agenda très chargé : le renversement du pouvoir en place, l’établissement d’un Etat islamique et l’application rigoureuse de la charia, un rejet de l’enseignement perverti par l’occidentalisation. Pour respecter cet agenda, les combattants de Boko Haram usent des stratégies de la tradition djihadiste comme les attaques ciblés des commissariats et polices, les attentats, les exécutions des étudiants. L’image macabre que traine Boko Haram dans son sillage semble correspondre à des sacrifices humains sur l’autel d’Allah. Pour eux, tuer, semer le chaos, appliquer la charia n’est pas le seul moyen de parvenir à leurs fins mais aussi il semblerait que les amulettes qu’ils arborent dans leurs combats allient à la fois syncrétisme et fanatisme, anthropophagie et sacrifices humains. Nul n’est sans ignoré le grand trafic de membres humains que connaît le Nigéria avec une population estimée à 170 millions d’habitants en 2012.Malgré leur rejet de la modernité, les membres de cette secte utilisent des motos pour exécuter leurs missions. Entre Juillet 2009 et début février 2011, Boko Haram a revendiqué 164 attaques, attentats-suicides. Les derniers faits d’armes de la secte montre la stratégie d’un Djihad défensif : attaquer les musulmans modérés qui n’appliquent pas la charia d’autant plus que le Coran est la référence à la fois sur le plan politique, militaire, économique, idéologique et religieux. Aux 42 morts d’un lycée dans la province de Maidiguri le 17 Juin dernier, aux 44 morts dans l’attaque de la mosquée de la ville de Konduga le 13 Août et les quarantaines de morts dans l’attaque d’un dortoir des étudiants le 29 Septembre dernier, il appert que Boko Haram conquiert de son originalité tant par sa stratégie guerrière que par ses fondements politiques.

Boko Haram est le filleul d’une classe politique gangrenée par la corruption, la course au pouvoir. Le Nigéria est doté d’un pouvoir central regroupant les deux grandes confessions religieuses : les musulmans et les chrétiens. Soit le président est chrétien et le vice musulman ou vice-versa. Cela a conduit à une configuration confessionnelle du gouvernement même fédéral de telle sorte que déjà en 2000, la charia était appliquée dans les provinces du Nord mais d’une manière peu radicale. Le paysage politique qui se formait au Nigéria a exacerbé les hauts faits de ce groupe terroriste. L’histoire du Nigéria retiendra qu’en 1984, les conflits entre les sectes islamiques (Izala, Tidjaniyya, Qadiriya, Maitatsine) ont engendré des centaines de victimes. Du président Obasanjo (1999) au musulman Umaru Yar’Adua en 2007 (décédé le 5 mai 2010) et enfin au chrétien Goodluck Jonathan, le gouvernement central de Lagos a toujours du mal à régler la question. Le djihad de Boko Haram semble être un djihad non plus défensif (contre les musulmans modérés) mais un djihad ayant pour cible surtout les commissariats et postes de police. Et ce, à cause des répressions militaires très brutaux dans le bastion de Boko Haram, l’Etat de Yobe et de Borno. Soutenu avant par le gouverneur Ali Moddu Sheriff de l’Etat de Borno pour son élection en avril 2003, Boko Haram fait face désormais à la réfutation de leur parrain politique. En réponse, le groupe concentre ses opérations sur des policiers, des dirigeants politiques et des imams et leur source de financement par les attaques de banques.

 

Décidément, une ambiguïté ressort de la stratégie de Boko Haram : refuser l’occident et la modernité qui l’accompagne mais utiliser les moyens modernes (motos, montres, argent, banques) pour appliquer la charia. C’est pour dire que la charia est en elle-même problématique puisque même ceux qui se donnent le devoir de l’appliquer ne s’accordent même pas. Toutefois, la doctrine du fou au fou (doctrine qui consiste à répondre à l’adversaire terroriste par les mêmes moyens qu’ils utilisent : meurtres, assassinats) tend à exacerber les violences entre l’armée (forces de sécurité) et Boko Haram (forces d’insécurité).

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